Trois semaines de guidage sur les polders hollandais.
Cet automne, j’ai eu la chance de pouvoir guider sur les polders pendant les trois semaines qui ont précédé le confinement du 30 octobre. Cette période propice à la pêche du brochet, est aussi marquée par de constants changements météorologiques. La pêche est fortement influencée par ces variations, alternant les moments fastes et les périodes plus difficiles. Savoir adapter sa pêche est alors indispensable pour tirer son épingle du jeu.
J’ai ainsi reçu plusieurs groupes de pêcheurs français, peu habitués à ces conditions perpétuellement changeantes. Beaucoup d’entre eux ont tendance à s’enfermer dans une technique qu’ils maîtrisent. Ils pêchent ainsi en « mode automatique », pensant que ce qui a marché chez eux fonctionnera ici. Cette approche qui permet de rester dans sa zone de confort se fait souvent au détriment de l’efficacité. Mon rôle n’est pas seulement d’emmener mes clients sur les meilleurs spots. Je suis surtout là pour les aider à se poser les bonnes questions, à chercher la bonne stratégie, adapter leur technique et trouver les bonnes options. Passer le bon leurre à la bonne vitesse déclenchera des touches jusqu’à ce que les conditions atmosphériques changent… ce qui arrive trois ou quatre fois par jour en Hollande ! Il ne faut donc pas hésiter à changer très souvent de stratégie.
Mes clients pêchant avec leur matériel, ils n’ont pas toujours les leurres qui conviennent à certaines conditions. Aussi je dois souvent leur fournir une meilleure option. C’est pourquoi j’ai en permanence dans mon sac à dos un panel de leurres susceptible de faire face à toutes les situations. Des conditions climatiques d’automne stables et optimales, vent d’ouest, pluie et température fraîche, mettent les poissons en activité. La pêche est alors facile et tous types de leurres peuvent apporter de bons résultats. Cependant, il est rare de rencontrer ces conditions sur une longue période, surtout ces dernières années.
Sur ce dernier séjour, nous avons rencontré des variations météo d’une amplitude à peine concevable pour une fin octobre. Le plus impressionnant : un vent de sud à 60km/h pour une température de 24° à 18h00 pour un vent de nord-est et 4° le lendemain à 9h00 ! Autant dire que les poissons ont radicalement changé de comportement en très peu de temps.
Beau temps, coup de froid et tempête se sont succédé à rythme soutenu. Voici comment nous avons abordé ces trois cas de figure.
1. Catastrophe, il fait beau !
La pire configuration qu’on puisse rencontrer sur les polders en automne, c’est un beau temps chaud et ensoleillé, sans vent. Cela nous est arrivé à plusieurs reprises cette année. Des heures et des heures sans touche. C’est long pour six pêcheurs… et encore plus pour leur guide ! Les canaux semblent désertés, même les gardons ont disparu. Je suppose qu’il se produit une chute du taux d’oxygène dissous dans l’eau. L’effet combiné de l’augmentation de température et la décomposition de la végétation aquatique doivent en être la cause. Bref, quelle qu’en soit la raison, c’est la catastrophe pour la pêche.
Dans ces cas-là, on teste des tailles, des couleurs, des signaux différents. Le plus souvent, on mise sur le downsizing et la discrétion. On sort les coloris naturels et on insiste sur les postes marqués. Et puis un de mes clients a eu de la curiosité au sujet de ma boîte de leurres. Il a remarqué le Zacrawl SC, ce drôle d’animal. Il m’a demandé comment l’utiliser et a été bluffé par son action chaloupée, bruyante et agressive. Au deuxième passage de « démonstration » en plein milieu du canal, un brochet sorti de nulle part tape dans le leurre sans le prendre. Je tends alors la canne au pêcheur qui refait un passage un peu plus rapide et pique le premier poisson de la journée… à 16h, il était temps !
Le Zacrawl SC nous a ensuite offert un joli coup du soir avec trois poissons de plus.
Riche de cette expérience nous avons testé avec succès un Picktail Swimmer 6’’ en coloris 210, ramené très vite juste sous la surface. Il nous a rapporté deux beaux poissons supplémentaires. Finalement, ce qui aurait pu être un formidable capot collectif s’est transformé en une honnête journée de pêche. Comme quoi, l’intuition parfois, et le hasard souvent, peuvent débloquer une situation. Nous ne comprenons finalement pas grand-chose de ce qui se passe dans la tête de ces sacrés poissons.
2. On se gèle !
Vent du nord et coup de froid sont souvent synonymes de pêche difficile. Les polders n’échappent pas à la règle d’autant plus qu’il n’existe pas de fosses dans lesquelles les poissons pourraient trouver refuge. Ils prennent donc de plein fouet la chute de température. Pourtant il est possible de provoquer quelques touches en adaptant sa stratégie. Pêcher lentement, et même très lentement, donne aux poissons engourdis le temps de déclencher une attaque. Cette attaque se traduit généralement par une touche à peine perceptible. Il faut donc faire preuve d’une concentration de tous les instants pour déceler l’aspiration discrète d’un beau poisson.
A ce petit jeu, j’ai découvert cette année une sorte d’arme absolue : le Penta Shad 5’’. Très peu plombé et ramené à deux à l’heure, ses pulsations fines sont redoutables. Sur les polders, les coloris 114 et 118 se sont montrés terriblement efficaces.
Pour présenter une plus grosse bouchée, le Tumbler 17cm en couleurs 04 et 08 selon la teinte de l’eau est une valeur sûre. Personnellement, je l’utilise sur une monture Shallow Stinger Single avec une Flexhead de 5gr. Ce leurre a aussi la capacité de s’animer extrêmement lentement, ce qui est capital dans ces conditions.
Enfin, certains de mes clients sont plus à l’aise avec des leurres durs. Le Jerk Spiker 130 est alors le leurre idéal. Gentiment jerké avec des temps de pauses qui peuvent paraître interminables, les touches interviennent parfois après 20 à 30 secondes sans animation ! C’est une pêche dure pour les nerfs, mais c’est à ce prix qu’on prend des poissons certains jours.
3. Le ciel nous tombe sur la tête !
Un vent de sud-ouest souffle fort, inclinant les trombes d’eau qui nous écrasent. Il pleut tellement qu’on se demande s’il n’y a pas plus d’eau que d’air à respirer ! A condition d’être bien équipé, ce sont pour moi les meilleures conditions pour toucher de beaux poissons. Il faut cependant tenir compte de l’influence de la météo sur le comportement brochets pour ne pas passer à côté de la pêche.
Le vent secoue les roseaux et les nénuphar… les brochets sont alors contraints de quitter ces abris devenus inconfortables. De plus, ces mêmes roseaux produisent un bruit ambiant qui s’ajoute à celui
des vaguelettes. C’est donc logiquement que nous pêchons alors les milieux ouverts avec des leurres bruyants et/ou volumineux. Plusieurs options ont ainsi fait leurs preuves. Dans moins de 80cm d’eau, l’incontournable Buster Shallow a fait merveille. Animé en jerks pas trop violents dans les zones battues par le vent, c’est ce qui se fait de mieux. Sur les polders, mes préférés sont les coloris 202 et 687.
Enfin le Silent Blaster nous a permis de vivre quelques attaques de sub-surface vraiment impressionnantes ! Ramené lentement en linéaire, il produit un son de basse fréquence très puissant qui se remarque de loin. Personnellement, j’adore ce leurre aussi original qu’efficace.
Les polders : un milieu particulier
Les polders hollandais offrent une densité de poissons assez exceptionnelle par rapport à l’étroitesse des milieux. Les brochets évoluent dans une profondeur moyenne de 60 cm et les canaux sont larges de 10 mètres en moyenne. Pourtant ces canaux sont extrêmement riches en nourriture pour les carnassiers : des cohortes de gardons cohabitent avec de beaux bancs de brèmes et l’explosion de la population d’écrevisses de Louisiane y est impressionnante. Il en résulte que les brochets sont très nombreux et bien gras. Le revers de la médaille : ils nagent littéralement dans une assiette bien garnie, ce qui rend leur pêche difficile.
Comme on l’a vu, les conditions atmosphériques très changeantes imposent de savoir s’adapter en permanence. L’expérience et la connaissance des lieux de pêche sont de précieux atouts. Bien connaître et maîtriser l’animation de ses leurres est tout aussi capital.
Mais rester humble face à la nature pour accepter de ne pas comprendre ce qui se passe sous l’eau est aussi une force. Cela permet de s’ouvrir à toutes les options en abandonnant ses certitudes et ses schémas préétablis… Ce qui s’avère parfois payant !
Un article écrit par Manu Bizel